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Les mécanismes de nos mémoires

Comment parvenons-nous à mémoriser ? Comment de simples réactions chimiques et électriques peuvent-elles réussir à laisser une trace dans notre cerveau ?

Plusieurs mécanismes, aux noms parfois barbares, rentrent en jeu : l'habituation et la sensibilisation, la potentialisation à long terme, la création de nouvelles connexions ou de nouveaux neurones.
Pour les comprendre, revenons, comme souvent et comme l'ont fait les scientifiques, à l'évolution des espèces.

1ère piste de mémorisation : habituation et sensibilisation

L'ancêtre évolutif de la mémoire est comparable au réflexe de l'escargot que nous avons tous expérimenté : si nous touchons les antennes de l'animal, il les rétracte instantanément et totalement.

Nous lui retouchons dans la foulée ses antennes. A nouveau, il les rétracte toujours instantanément, mais moins nettement cette fois-ci. Et plus nous recommençons l'opération, moins il les rétracte. Il a en quelque sorte gardé en mémoire le fait que ses antennes venaient d'être percutées par un objet. Si un nouveau choc intervient dans les instants suivants, ce sera probablement le même obstacle.


Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer autant que précédemment doit 'penser' l'escargot qui repliera alors moins ses antennes.
Ce phénomène, esquisse d'une première forme de mémoire, s'appelle l'habituation. En tant qu'espèce humaine post-escargot, nous avons gardé trace de ce mécanisme qui fonctionne par exemple lorsque nous nous habituons à un bruit pourtant insupportable la première fois…comme certaines sonneries du téléphone ou comme une autoroute au fond du jardin.

                Monsieur + : nous explique le mécanisme de l'habituation


Avec la répétition de la stimulation du neurone sensoriel, le taux de neurotransmetteur libéré par le signal électrique baisse. La réponse du neurone moteur final est réduite car le nombre de vésicules contenant le neurotransmetteur – le glutamate – diminue aussi. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi mieux vaut apprendre 10 fois une minute que 1 fois 10 minutes. Il faut laisser le temps aux connexions de revenir en position initiale.

Un autre phénomène tout aussi primitif au sens de l'évolution a été également observé : la sensibilisation : Si un fort choc électrique - stimulus de sensibilisation - est appliqué pendant une heure, un retrait réflexe apparaît si on touche un endroit sensible de l'animal testé. Or ce retrait bien s'avère plus important qu'en l'absence de choc. Ceci explique qu'en cas de stress, nous puissions être hyper réactifs. Mais ce phénomène est inconscient; au mieux, nous nous apercevrons des conséquences du stress sur notre humeur.

                  Monsieur + : Comment fonctionne la sensibilisation ?


Elle vient de la modification d'un circuit en parallèle, mettant en jeu les interneurones qui libèrent de la sérotonine et renforcent l'efficacité synaptique. Pour vérifier cette hypothèse, de la sérotonine a été injectée à des neurones de culture, et le même effet a été observé. Mais il ne dure que quelques minutes. En pratiquant 5 applications de sérotonine, l'effet se prolonge pendant 24 h.


                                  SUPER SUPER Monsieur +


Rentrons dans le détail du mécanisme de la sensibilisation pour mesurer l'ingéniosité du monde vivant sous notre boîte crânienne.
Attention, c'est un peu complexe car nous citons ci-après un spécialiste dans son langage habituel : " La stimulation électrique entraîne une libération de sérotonine qui active des récepteurs sur la membrane du neurone postsynaptique du neurone sensoriel, qui à son tour active une enzyme membranaire, l'adénylate cyclase qui convertit l'ATP (l'Adénosine TriPhosphate, et non le classement des tennismen professionnels - NDLR) en un second messager, l'AMP cyclique; l'AMP cyclique recrute une protéine kynase AMP c -dépendante, la PKA , en se liant à ses sous-unités régulatrices, ce qui du même coup libère les sous-unités catalytiques.


Ces dernières vont ainsi pouvoir phosphoryler divers substrats notamment les canaux K+ ( réduisant le courant potassique ) et Ca2+ ( augmentant le courant calcique ) ce qui explique la libération du neurotransmetteur."
Pas simple ! Mais cette explication a le mérite de montrer l'immense sophistication des phénomènes dont nous n'avons pas la moindre idée pendant que nous engrangeons un souvenir.

Nous ne saurions être complets sur le sujet si nous ne signalions pas que sur l'aplysie (cf ci-dessous) a été observé également le conditionnement classique semblable à celui des chiens de Pavlov avec stimulus conditionnel.



L'habituation et la sensibilisation ont été observées sur l'aplysie, sorte de limace marine, plus facile à étudier car possédant relativement peu de neurones. Qui plus est, ces neurones s'avèrent relativement gros et aisés à repérer. La photo ci-contre montre qu'elle possède également souvent des couleurs magnifiques.
Eric Kandel a tellement bien observé ces phénomènes de mémorisation premiers sur l'aplysie qu'il en a obtenu le prix Nobel.

2ème piste de mémorisation : La potentialisation à long terme (LTP)
Il s'agit d'un autre mécanisme complexe permettant de laisser une trace physique du passage du signal : pendant un certain laps de temps, toute nouvelle stimulation sera facilitée. Les deux neurones situés avant et après la synapse auront plus de facilité à communiquer entre eux. Elément important : la potentialisation à long terme est sensible à l'accumulation et à la simultanéité des sollicitations. Les associations et les répétitions seront ainsi des facteurs de déclenchement de la potentialisation à long terme, autrement dit des facilitateurs de la mémorisation.

                                           Super Monsieur +


La potentialisation à long terme rappelle en fait un coup de billard à deux bandes. Elle met en jeu deux types de canaux dits AMPA et NMDA qui sont couplés. Le neurotransmetteur glutamate les active tous les deux mais les canaux NMDA sont fermés en temps normal. Ils sont en effet bloqués par des ions magnésium Mg2+.

1 – Le glutamate ouvre les canaux AMPA en agissant comme une clé. Les canaux NMDA sont eux fermés, bloqués par les ions Mg 2+
2 – Les ions sodium Na+ peuvent alors pénétrer dans le neurone post synaptique par les canaux AMPA.
3 – L'activation en rafale des canaux AMPA va permettre d'ouvrir les canaux NMDA par couplage …
4 – … en éjectant les ion Mg2+ qui bloquent ces derniers.
5 – La voie est donc libre pour les ions Ca +, qui attendent dehors dans l'espace de la synapse. Ils peuvent alors pénétrer à leur tour dans le neurone post synaptique.
6 - Les ions Ca+ vont y déclencher une cascade de réactions chimiques sur les protéines et enzymes à l'intérieur du neurone qui vont laisser pendant des heures ou des jours une trace de l'événement. Elles vont également créer les conditions et les briques nécessaires à la création de nouvelles synapses, la troisième voie de la mémorisation. Ces réactions très complexes ne sont pas encore toutes connues et font l'objet de nombreuses recherches.


Ainsi l'activation soutenue des récepteurs AMPA voisins permet à partir d'un certain seuil de débloquer les ions magnésium Mg2+. Les ions calcium Ca2+ ont alors la voie libre pour pénétrer massivement dans les neurones postsynaptiques et déclencher un série de réactions qui vont engendrer des transformations persistantes qui peuvent durer plusieurs jours.
Plusieurs actions provoquées par plusieurs synapses convergeant sur un même neurone peuvent se sommer et permettre une activation plus importante des canaux NMDA. Idem si la cadence répétitive est élevée.



Pour résumer les indigestes propos de Monsieur Maxi + : l' attention et la répétition - rythme d'impulsions rapides en rafales - et l'association - action de plusieurs synapses sur un même neurone - vont faciliter les reconnexions ultérieures, donc la mémorisation. Celle-ci s'effectuera via des processus chimiques et biologiques sur le court terme et via des processus génétiques sur le plus long terme.
Il ne nous reste donc plus qu'à jouer sur le triplet ''Association / Attention / Répétition'' pour réussir notamment à faire sauter les ions magnésium et permettre ainsi à l'influx électrique de passer le mieux possible.

3ème piste de mémorisation : Les nouvelles connexions.
La perte des neurones ne dépasse pas 10 à 20 % entre 20 et 90 ans. C'est en fait très peu en comparaison du nombre de connexions possibles puisqu'un neurone peut en posséder jusqu'à 10 000.


Toutefois, les scientifiques ne parviennent pas encore à bien évaluer toute cette connectique, d'autant plus qu'un neurone donné peut avoir 10 000 connexions alors que son voisin n'en aura peut-être pas plus de 10.
La création de nouvelles connexions constitue une modification à long terme qui requiert la production d'ARN messager. La synthèse de nouvelles protéines, favorisée notamment par la potentialisation à long terme, entraine la croissance et le remodelage de nouvelles connexions synaptiques entre neurones.


                                           Super Monsieur +


Comment les souris nous ont permis de soupçonner le rôle de la création de nouvelles connexions dans l'amélioration de la mémoire :
Des souris sont exposées à des décharges émises par une grille de sol électrifiée. Dans les heures qui suivent, elles sont tétanisées de peur si on les replace sur une grille, même sans chocs.

Quelques jours après, elles demeurent en revanche impassibles devant la grille, le souvenir s'est envolé. Commence alors la deuxième partie de l'expérience : Les souris initialement soumises aux chocs par la grille de sol électrifiée sont ensuite séparées en 2 groupes: le premier est placé dans un environnement très stimulant - jeux, caches…- tandis que le second se retrouve dans un environnement non stimulant. Au bout de 4 semaines, les souris sont replacées sur une grille et la plupart du groupe stimulé se retrouve tétanisé, alors que le groupe non stimulé explore placidement l'espace.

Comme si pour le premier groupe, le souvenir n'avait pas disparu. Le poids des cerveaux est resté le même dans les 2 groupes. En revanche, le taux de synaptophysine (protéine indiquant le niveau d'activité et la proportion de nouvelles synapses ) est nettement plus important dans le premier groupe. L'environnement stimulant a fort probablement permis d'enclencher de nouvelles connexions.


                                  SUPER SUPER Monsieur +


Comment les souris nous ont permis d'ouvrir la voie à une nouvelle discipline : l'épigénétique
Les Américains du MIT pensent qu'il n'y a pas que le code génétique lui-même qui compte dans les commandes reçues au sein des cellules.


En effet la très longue molécule d'ADN est enroulée autour de grosses protéines appelées histones. Si un tronçon d'ADN se trouve fortement lié aux histones, ou dans un repli, il ne pourra être en contact avec la machinerie biologique (ribosomes, ARN …) et restera silencieux. Cette nouvelle branche de la science s'intéressant aux modifications qui apparaissent sans provoquer de changements dans l'enchaînement des acides s'appelle l'épigénétique.

Un résultat étonnant : pour modifier l'attachement entre les histones et l'ADN, les expérimentateurs injectent quotidiennement aux souris un inhibiteur d'histone déacétylase. Ils obtiennent alors les mêmes résultats qu'avec les souris stimulées.
Si nous vous disons que ces résultats ont été obtenus avec des souris vieillies génétiquement, vous comprendrez pourquoi l'inhibiteur d'histone déacétylase représente un important espoir pour lutter contre les effets du vieillissement sur la mémoire, entre autres. D'après Science & vie - N°1083

4ème piste de mémorisation : Les nouveaux neurones.
Le monde scientifique a longtemps cru que les neurones ne se renouvelaient pas contrairement à toutes les autres cellules du corps humain. Il a longtemps cru que nous disposions de tout notre stock de neurones à la naissance et qu'aucun ne naissait après la vie fœtale. Cette croyance est tombée juste avant la fin du millénaire précédent avec la découverte de deux pouponnières de neurones dans les profondeurs cérébrales : la naissance de neurones, que l'on appelle neurogénèse, a lieu en permanence dans notre cerveau, même adulte; Certes, elle ne compense pas la perte globale de neurones, mais il a été montré que les nouveaux neurones intervenaient dans la fabrication de nouveaux souvenirs. Ils migrent depuis leur lieu de naissance jusque vers les zones de destination de la même manière que les neurones originels pendant la phase fœtale.

                      Monsieur + : vous en dit plus sur la neurogénèse


Béatrice Desgrange, chercheuse de l'Inserm a montré grâce à l'imagerie fonctionnelle que les deux seules zones dont la taille ne diminuait pas avec l'âge étaient celles où avait lieu la neurogénèse à savoir l'hippocampe et le gyrus cingulaire.

Ainsi, pour résumer, quatre grands types de mécanismes constituent les fondements de nos capacités à mémoriser. L'habituation et la sensibilisation sont les plus archaïques. Pour les trois restantes, notons l'importante différence de délai de mise en œuvre : la potentialisation à long terme demande juste quelques millisecondes, alors que les nouvelles connexions ont besoin de plusieurs dizaines de minutes. La mise en place de nouveaux neurones demande, elle, trois semaines au minimum.

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