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Spectaculaires amnésies

Nous sommes tous amnésiques : heureusement que nous oublions ! Sinon nous serions incapables de détecter ce qui est important, tout serait sur le même plan dans l'immensité de ce que nous aurions emmagasiné; et ceux qui possèdent une mémoire absolue – certains types d'autistes – ne peuvent vivre normalement.

Les cas d'amnésies, souvent étonnantes et déroutantes, ont beaucoup inspiré les auteurs de roman et de cinéma. Et la réalité dépasse parfois la fiction ! Ces cas de perte mnésique durable vont nous aider à appréhender les différentes formes de mémoire, comme elles ont aidé les médecins pionniers qui les ont mises à jour.

Les amnésies peuvent être
- progressives comme dans le cas de la maladie d'Alzheimer, de l'alcoolisme, d'une tumeur au cerveau,
- ou brutales, comme après un choc ou un accident vasculaire cérébral.

Perdre toutes nos mémoires revient à perdre toutes nos capacités intellectuelles et notre identité. Plus rien n'est possible : décider, agir, compter, lire…Nos mémoires sont donc totalement incontournables. Fort heureusement, dans la majorité des cas d'amnésies (hors démence), une seule forme de mémoire est touchée. Ce qui s'avère déjà malgré tout très handicapant.


Par exemple, dans les premières phases de la maladie d'Alzheimer, c'est surtout la mémoire autobiographique des nouveaux souvenirs qui est touchée. Les acquis anciens perdurent grâce notamment aux mémoires sémantique et procédurale, beaucoup plus longtemps préservées. Ainsi ; une personne atteinte saura encore tricoter (mémoire procédurale) mais ne se rappellera plus qu'elle vient de tricoter une écharpe pour son petit-fils (mémoire autobiographique).


         Monsieur + : vous parle du cas d'amnésie le plus étudié : H.M.


Les initiales de ce patient figurent dans tous les livres approfondissant la mémoire : son hippocampe (gauche et droit) a été enlevé pour tenter de réduire les effets d'une grave épilepsie. Or l'hippocampe permet le transfert depuis la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme. Par conséquent, ceux dont l'hippocampe est détruit comme H.M. ne peuvent plus se rappeler ce qu'ils ont fait depuis sa mise hors service. Sa mémoire de travail était restée intacte mais au-delà de quelques dizaines de secondes, la mémoire à long terme ne pouvait prendre le relais et il oubliait systématiquement toute nouvelle information. Il fallait utiliser l'émotion ou la répétition pour contourner les circuits défaillants comme nous allons le voir.

La suppression de l'hippocampe entraine une amnésie dite antérograde, autrement dit l'impossibilité de forger de nouveaux souvenirs. L'amnésie est dite rétrograde lorsque les anciens souvenirs disparaissent. Dans le cas de H.M., il avait en fait également perdu la mémoire jusqu'à onze ans avant l'opération, car cette dernière avait également endommagé des parties voisines de l'hippocampe intervenant dans le stockage des souvenirs. Son amnésie était donc antérograde et rétrograde partielle.


Les personnes qui, suite à un accident ou une opération, ont perdu leur hippocampe n'ont hélas plus d'espoir de se souvenir de la quasi-totalité de leurs nouvelles actions Deux seules pistes d'amélioration sont possibles :

- La première consiste à utiliser d'autres circuits et d'autres mémoires : ainsi par répétition intensive, la mémoire procédurale, celle des apprentissages et savoir-faire, peut-être activée pour, par exemple, retenir un nouveau visage ou un nouveau nom. Autre contournement possible : l'émotion. Les circuits sont très voisins et l'on sait depuis longtemps qu'une forte émotion permet d'ancrer un souvenir à vie. Les paysans le savaient bien : pour que leur fils n'oublie jamais les limites des terrains de la ferme, ils les amenaient sur place le moment venu, et sans crier gare leur assénait une gifle. L'émotion causée par la surprise et le choc ancrait à vie les limites du terrain dans le jeune cerveau.


- La seconde réside dans l'utilisation d'aides extérieures comme les post-it et l'informatique. Ainsi ce brillant étudiant de l'université d'Oxford, victime d'un AVC qui a détruit son hippocampe, n'est plus en mesure de poursuivre ses études. Il a dû apprendre un nouveau métier dans le travail du bois. Il a ainsi pu apprendre à utiliser les machines-outils grâce à sa mémoire procédurale. Mais il ne peut se rappeler le fait qu'il a appris, ni quand, ni où, ni comment. Autrement dit, il sait, mais il ne sait pas qu'il sait !
Il parvient à vivre seul en notant tout ce qu'il fait sur des bouts de papier : ''j'ai acheté le pain'', ''j'ai pris la douche''. Sa cuisine est devenue un mur de post-it. Quand il veut aller voir ses parents, il se rend toujours à leur ancienne adresse, alors qu'ils ont déménagé depuis son accident.

Il faut un certain délai pour le transfert de la mémoire de travail à la mémoire à court terme : la mémoire des lésés de l'hippocampe s'arrête quelques heures avant l'accident ou l'opération. De manière comparable, la mémoire des anesthésiés ou simplement de l'endormissement s'arrête avant : nous ne nous rappelons jamais de comment nous plongeons dans le sommeil.

             Monsieur + : Oublier qui l'on est : l'amnésie psychogène

Les amnésies psychogènes ou fonctionnelles ont pour origine un choc émotionnel très violent et le sujet va oublier des souvenirs très désagréables mais il peut aussi oublier jusqu'à qui il est. Il s'agit donc d'une amnésie rétrograde. Le sujet va perdre ses souvenirs personnels ou autobiographiques (mémoire épisodique) même s'il conserve tous ses savoirs (mémoire sémantique) et savoir faire (mémoire procédurale).

Les scientifiques ont longtemps cru que le cerveau restait normal avec ce type d'amnésie. En fait, l'imagerie fonctionnelle a montré récemment qu'elle est entrainée par le dysfonctionnement d'une toute petite zone située entre l'hippocampe et le cortex préfrontal.
Le film de Hitchcock ''La maison du Docteur Edwards'' met en scène, avec son sens du suspense inimitable, un cas d'amnésie psychogène.

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